Ici vous trouverez différents articles et critiques sur différents domaines artistiques.

9 déc. 2014

Enquête


La vie d’artiste au commencement

2 décembre, Laurence Lacoste et Marie-Ève Ledoux, avec la collaboration de Magalie Raymond et Joanie Duquette


     Suite à une récente entrevue avec Vincent Duhaime-Perreault, le monde de la musique paraît moins enchanteur que les médias le démontrent habituellement. Selon l’artiste, sans lien avec les grands diffuseurs ou avec des personnes connues, il est très difficile de se faire remarquer. La question est : est-il nécessaire d’avoir des contacts pour percer dans le monde de la musique?

Les altruistes du milieu

     Lors du spectacle de The Seasons au théâtre Corona le 20 novembre dernier, Rémy Bélanger, le batteur de la formation, a pu éclaircir le sujet. Il affirme qu’en arrivant dans ce domaine, ils n’avaient aucun contact pour les guider. « On ne connaissait cent pour cent personne. On vient de Beauport et on ne connaissait vraiment personne. » M. Bélanger dit que le groupe a bénéficié d’une aide suite à la parution de leur premier album autonome  Velvet EP. Beaucoup plus de gens ont pu entendre leur musique et certaines personnes du milieu, en leur reconnaissant un talent, ont voulu embarquer dans l’expérience avec eux. Le batteur explique que les gens du domaine sont très altruistes et portés à aider les jeunes groupes, « que ce soit au niveau du business ou au niveau de la technique ». Plusieurs expérimentés du monde du spectacle, tel que des techniciens ou des hommes d’affaires, sont prêts à mettre leur grain de sel aux projets des artistes émergents.
     Ils savent également que plus les groupes sont jeunes plus ils tendent à s’améliorer et à devenir bons plus tard. Comme Rémy Bélanger le dit : « N’importe qui gagne à aider des jeunes bands. » Avoir une aide de la part de gens expérimentés est bénéfique pour des débutants, puisqu’ils ne connaissent peut-être pas exactement la réalité du monde dans lequel ils arrivent. En décidant d’aider les artistes à se faire connaître et à se produire en spectacle, les mentors développent l’industrie de la musique avec de nouvelles voix et de nouveaux styles. Ces gens aident les nouveaux arrivants à décoller et un coup partis, ils se font connaître davantage et plus de gens se « collent » à eux. La preuve que cet encadrement a fonctionné est que The Seasons est toujours sur pied et gagne en popularité. Le groupe québécois a maintenant des spectacles un peu partout au Québec, où ils interprètent leur premier album studio, Pulp.


iTunes, une voie d’accès

     C’est en sortant leur premier album autonome sur iTunes qu’ils ont été écoutés et remarqués par plusieurs. Ils ont été approchés de cette façon, après avoir créé leur musique et leur album Velvet EP seuls. Les réseaux sociaux et les marchés comme iTunes permettent une sorte de publicité qui donne l’opportunité aux artistes de se faire connaître sans devoir passer par les grands médias. Souvent vu auprès des nouveaux groupes, ce moyen de s’annoncer s’avère efficace pour plusieurs. Pour The Seasons, il est clair que cette méthode a bien fonctionné et que le tout est allé très vite, car Velvet EP est sorti en janvier 2014 et l’album studio Pulp en avril 2014.

Une expérience moins agréable

     De son expérience dans le monde du spectacle, Claire Bienvenue, une ancienne chanteuse imitatrice, a également son mot à dire sur le sujet. Elle a été en tournée de 2001 à 2005 avec un producteur pour ensuite faire des spectacles corporatifs jusqu’en 2013. Malgré son encadrement, elle a été seule durant une bonne partie de sa carrière. « Il est très difficile d’avancer sans aide », affirmait-elle. Même si aujourd’hui l’artiste ne pratique plus et n’a pas pu avoir une carrière professionnelle, elle a acquis une expérience qui pourra lui être pratique.

     Selon madame Bienvenue, « il est nécessaire d’avoir des contacts pour se tailler une place. » Même si les chanteurs produisent d’excellentes démos (CD de démonstration), il se peut que personne n’aille vers eux. La plupart du temps, les gens du milieu vont préférer aller vers un nom ayant déjà des contacts, ou ayant un lien avec une personnalité connue. Claire Bienvenue mentionne que les producteurs ont parfois peur des nouveaux arrivants. Chaque débutant est un essai à faire, car on ne sait jamais s’il sera la vedette de l’heure ou s’il restera dans l’ombre.

     Au moment d’auditions de comédie musicale, par exemple, la distribution peut parfois être faite avant même que le petit nouveau ne sache qu’il y en eût une. Cette mésaventure est arrivée à Claire Bienvenue. Il est donc extrêmement difficile pour quelqu’un n’ayant aucun contact d’entreprendre une carrière dans ce milieu. Le monde de la musique est, d’après l’imitatrice, très fermé. « Il est parfois difficile de faire les choses par soi-même », avouait la chanteuse. La nouveauté ne peut pas toujours avoir sa place.

Image VS performance

     Claire Bienvenue a vécu une expérience défavorable pour un artiste du monde du spectacle. Il arrive parfois que l’on entende parler dans les médias qu’une personne ayant un surplus de poids, ou n’étant pas jugée « assez jolie », soit renvoyée de l’univers du show-business. Madame Bienvenue a été remplacée par une autre imitatrice parce qu’elle était justement jugée plus belle et apte à faire le boulot à sa place. Apparemment, l’image compte autant, sinon plus que la performance.


Du point de vue d’un recruteur

     Après le grand questionnement par rapport à la nécessité de contacts dans le domaine culturel, une autre question se pose; sans contact, comment les artistes font-ils pour réaliser des spectacles? L’ancienne directrice du théâtre Gesù, Jocelyne Bilodeau sait comment les théâtres et propriétaires de salles font pour recruter leurs artistes. Cela pourrait apporter une réponse à la question précédemment posée. Elle dit que la façon de recruter les groupes dépend beaucoup de l’endroit où le théâtre est situé. Si l’on se trouve dans une grande ville comme Montréal ou Québec, il y aura des agents d’artistes et des producteurs de spectacles qui mettront en relation leurs clients et les directeurs de salles. Cependant, si l’on se trouve en régions, ce sont souvent des diffuseurs de spectacle qui vont s’annoncer à des théâtres et à des salles où ils veulent faire des représentations. Ensuite, il choisit ce qu’il veut offrir à son public et appelle les gérants des artistes qu’il veut voir.

     En région ou dans les grands centres, les imprésarios rendent toujours la tâche plus facile aux interprètes. Cependant, les groupes ou artistes peuvent communiquer avec les salles de spectacle pour en louer seuls, ou en partenariat. Ils peuvent donc se débrouiller sans gérant, mais avec un peu plus de difficultés.

Confirmation

     Selon chacun des interviewés, le travail est toujours plus difficile sans contact, mais tout de même possible. Donc, percer dans le domaine de la musique sans avoir de contact est possible, mais pour y arriver il faut travailler avec acharnement et patience. Déjà connaître des gens dans le milieu artistique rend les choses bien plus faciles pour les jeunes talents en émergence. La vie d’artiste au commencement peut être dure, mais il faut savoir où aller, quoi faire, donner ce qu’on a de meilleur et détruire toutes les barrières.




Il est souvent intéressant de connaître l'envers du décor des milieux artistiques et nous ne sommes pas les seules journalistes à avoir été curieuses. Pour en savoir plus sur le côté caché des éditeurs, nous vous invitons à aller jeter un coup d’œil à cet article.

Événement culturel

Mémoires en vers


 8 décembre 2014, Magalie Raymond

        Ozias Leduc est un peintre québécois majeur, mais aussi un écrivain et un poète amoureux de la nature. Ses 150 ans sont fêtés cette année. Le Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire rend hommage à l’artiste pendant leur journée de poésie tenue le 23 novembre. Plusieurs poètes de la Montérégie se rendirent sur place pour lire leurs créations inspirées par Leduc.

        Cette journée de poésie a un lien direct avec le concours organisé par le Musée, par rapport auquel les artistes s’expriment selon le titre : Salon d’Automne 150 variations sur les traces d’Ozias Leduc. Les toiles sont achetables, ainsi que le recueil de poésie dans lequel se trouvent tous les textes lus lors de cette journée. L’ambiance est donc propice à l’événement. Les gens peuvent admirer l’art sur les murs et s’imprégner des tableaux inspirés par Ozias Leduc. Le calme de la salle laisse deviner le sage public présent lors de cette journée, ainsi que la modestie de celle-ci.


       Durant la lecture des textes, tout artifice est absent, faisant couler le moment naturellement. Le public n’a pas de difficulté à se laisser bercer pas les mots. Ceux-ci deviennent parfois lourds pour un dimanche après-midi, quand la voix du poète ayant la parole est trop monotone et sans éclat. Par contre, d’autres fois stimulants pour l’imaginaire, tels que ceux où les rédacteurs mettent de l'intonation dans leur voix. Pour souligner l’anniversaire du peintre, les poètes s’inspirent de différentes façons d’Ozias Leduc. Des créations en vers libres ou en prose sont abordés. Les paysages, les œuvres, le génie, le parcours et la créativité de Leduc sont également mentionnés. Malheureusement, plusieurs restent dans l’ombre avec leur ton de voix monotone contrastant étrangement avec la beauté et la légèreté de leurs textes. Cela donne l’impression d’un temps long alors que l’événement ne dure que deux petites heures. Même pour une lecture, le tout manque un peu de vie.

Une touche de vie
      Un poète fébrile et jovial à la lecture de son poème ranime la salle un peu trop calme. En effet, Raymond Pilote met de la couleur en cette journée grise avec son texte brillamment inspiré d’un des tableaux d’Ozias Leduc, Les trois pommes d’Ozias. Ce poète est le fondateur d'un club de poésie à Beloeil et sa passion pour ce genre littéraire se ressent dans toute la pièce. Cet événement passe alors de l’ennui à l’éveil.  Dès les premiers vers lus, («Nul autre n'a osé adopter tel anthroponyme: Ozias!», par exemple) l'énergie du poète est palpable. Il pèse ses mots et paraît fier de les dicter à son auditoire. D’autres artistes présentent des textes excellents, mais cet homme est celui qui retient le plus d’attention.

Poésie à la Leduc et flûte traversière
      Certains de ces poètes reviennent devant, suite à une petite pause. Cette fois, ils ne démontrent pas leur art, mais lisent des œuvres qu'Ozias Leduc lui-même a écrites. Cette attention particulière à l'égard du défunt artiste est un geste touchant, mais aussi savant, permettant de faire mieux connaître Leduc à ceux qui sont moins familiers avec celui-ci. Par contre moins de poèmes sont présentés que dans la première partie. Voilà quelque chose qui s’avère prudent de la part des organisateurs, car autrement, la deuxième partie aurait été aussi longue que la première, et peut-être que quelques spectateurs se seraient tannés. 

      Le tout était bien structuré et avait sa place, laissant voir encore une fois la simplicité de l’événement. Curieusement, deux étudiantes au secondaire sont venues jouer entre les poèmes des pièces de musique baroque à la flûte traversière. Intéressant, mais ce moment musical n’a pas tellement de liens directs avec Ozias Leduc. Au moins, le public ne semble pas s’être posé trop de questions là-dessus. 


       Plusieurs autres activités seront à venir en 2015 pour le cercle des poètes de la Montérégie (club de poésie à Beloeil). Raymond Pilote sera de la partie encore une fois. La mission du cercle de promouvoir la poésie sous toutes ses formes sera mise en oeuvre pour une autre année consécutive.

7 déc. 2014

Reportage

L’ailleurs bouleversant de Strauss

Elsewhere, la danse contemporaine à un tout autre niveau.
14 octobre 2014, Karolane Messier

         Heidi Strauss renouvèle son œuvre en grand avec Elsewhere qui fut représenté du 1er au 4 octobre 2014 au théâtre Prospero. Sous la tutelle de la compagnie Danse-Cité, la chorégraphe présente une création de danse contemporaine sur le thème de nos actions quotidiennes et de leurs effets sur la vie des gens qui nous entourent.

Une volonté sociale?
Danielle Baskerville et Luke Garwood.
Crédit photo: Kathleen Smith, The Dance Current, 2011
            La compagnie Danse-Cité est fondée en 1982 par Daniel Soulières. Il a comme volonté de créer une compagnie qui évolue sans danseurs ni chorégraphes permanents. La compagnie tente de développer des projets qui font écho aux enjeux de notre société. Ils le font en encadrant des artistes du début à la fin de leur création. (C’est une compagnie polyvalente qui ne s’axe pas seulement sur la création de chorégraphes, mais elle donne beaucoup de place aux interprètes et aux artistes en périphérie de la danse qui sont très multidisciplinaires — vidéos, musique, poésie, danse, etc.)

            On retrouve aussi dans les antécédents de Strauss une certaine volonté de critique sociale. En effet, en 2013 elle présente avec Adelheid, sa compagnie fondée en 2007, un spectacle intitulé Still here, qui aborde les thèmes de l’apparence, de l’éventualité et des possibilités. 


Cause à affects

             Strauss, d’origine torontoise a présenté un nouveau spectacle au début de l’automne. Celui-ci a pour thème les affects, un phénomène qui la passionne énormément. Elle veut démontrer avant tout la capacité de l’humain à être transformé et à transformer. Strauss insiste également dans sa démarche à ce que les danseurs s’intéressent à leur capacité de résistance et d’adaptation en tant qu’être humain.
L’idée de la chorégraphie lui est venue tout simplement : « En observant les gens autour de moi, je me suis rendu compte qu’on s’affectait tous les uns les autres. Je me suis demandé comment faire pour transmettre cette idée en mouvement… » Elle voyait les affects dans tous les mouvements quotidiens que ce soit promener son chien, jouer au basket-ball ou tourner la page d’un livre. Pour la chorégraphe, les affects sont toujours présents.

             Pour Heidi Strauss, nous sommes affectés par nos expériences du passé — sensations, rencontres, succès et échecs —, mais aussi par les actions des autres. Elle insiste également dans sa démarche à ce que les danseurs s’intéressent à leur capacité de résistance et d’adaptation en tant qu’être humain devant des obstacles. Dans cette création, les danseurs s’oublient complètement. Ils laissent de côté leurs gestes quotidiens et réflexes habituels afin de redécouvrir de nouvelles façons de bouger en créant des liens — une sorte de réaction en chaîne entre eux grâces à des touchers ou effleurements. Il arrive parfois durant les représentations que les respirations et les bruits de pas des danseurs soient utilisés comme trame sonore. Ce concept ramène à la pensée des danseurs qui se doivent de performer en dépassant les limites.


Le tout début

             La création de l’œuvre dure 3 ans. C’est un long processus qui nécessite beaucoup d’observation. Ce n’est pas la complexité des mouvements, mais bien celle des enchaînements qui demande plus de temps et de concentration de la part des danseurs. Ils expliquent que le tout est long, car ils doivent se canaliser sur la coordination de leurs mouvements et ceux des autres. La représentation du spectacle les rend ainsi tous très fiers, car « c’est l’accomplissement de 3 ans de [leur] vie. »


             Consciente que son « spectacle à thème, sans histoire, est un gros risque », Strauss nous présente une expérience à couper le souffle. Cette dernière démontre son talent à exprimer un souci social par les gestes et le corps, et parfois même par les mots des danseurs qui tentent d’expliquer ce qui leur arrive au public. Un spectacle qui nous projette dans un tout autre monde et bien difficile à oublier.