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Littérature

 

Mémoires en vers

8 décembre 2014, Magalie Raymond


       Ozias Leduc est un peintre québécois majeur, mais aussi un écrivain et un poète amoureux de la nature. Ses 150 ans sont fêtés cette année. Le Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire rend hommage à l’artiste pendant leur journée de poésie tenue le 23 novembre. Plusieurs poètes de la Montérégie se rendirent sur place pour lire leurs créations inspirées par Leduc.
 
       Cette journée de poésie a un lien direct avec le concours organisé par le Musée, duquel les artistes s’expriment par le titre : Salon d’Automne 150 variations sur les traces d’Ozias Leduc. Les œuvres d’art des gagnants, possibles d’achat, sont d’ailleurs accrochées sur les murs de l’établissement à l’endroit même où se déroule la lecture des textes. L’ambiance est donc propice à l’événement. Les gens peuvent admirer l’art sur les murs et s’imprégner des tableaux inspirés par Ozias Leduc. Le calme de la salle laisse deviner le sage public présent lors de cette journée, ainsi que la modestie de celle-ci.
 
      Durant la lecture des textes, tout artifice est absent, faisant couler le moment naturellement. Le public n’a pas de difficulté à se laisser bercer pas les mots, parfois lourds pour un dimanche après-midi, mais d’autres fois stimulants pour l’imaginaire. Pour souligner l’anniversaire du peintre, les poètes s’inspirent de différentes façons d’Ozias Leduc. Les poèmes libres ou en proses sont abordés. Les paysages, les œuvres, le génie, le parcours et la créativité de Leduc sont également mentionnés. Malheureusement, plusieurs restent dans l’ombre avec leur ton de voix monotone contrastant étrangement avec la beauté et la légèreté de leurs textes. Cela donne l’impression d’un temps long alors que l’événement ne dure que deux petites heures. Même pour une lecture, le tout manque un peu de vie.
 

Une touche de vie



      Un poète fébrile et jovial à la lecture de son poème ranime la salle un peu trop calme. En effet, Raymond Pilote met de la couleur en cette journée grise avec son texte brillamment inspiré d’un des tableaux d’Ozias Leduc, Les trois pommes d’Ozias. Cet événement passe alors de l’ennui à l’éveil. D’autres poètes présentent des textes excellents, mais cet homme est celui qui retient le plus d’attention.
 

À suivre…



       Certains de ces poètes reviennent devant, suite à une petite pause, non pas pour démontrer leur art, mais pour rendre encore une fois hommage à Ozias Leduc. Dans cette deuxième partie de lecture, ils ont lu des poèmes du peintre et écrivain, démontrant une belle attention de leur part. Ce geste est touchant, mais aussi savant, permettant de faire mieux connaître Leduc à ceux qui sont moins familiers avec l’artiste. Par contre moins de poèmes sont présentés. Voilà quelque chose qui s’avère prudent de la part des organisateurs. 


       Le tout était bien structuré et avait sa place, laissant voir encore une fois la simplicité de l’événement. Curieusement, deux étudiantes au secondaire sont venues jouer entre les poèmes des pièces de musique baroque à la flûte traversière. Intéressant, mais ce moment musical n’a pas tellement de liens directs avec Ozias Leduc. Au moins, le public ne semble pas s’être posé trop de questions là-dessus. 

 
 
 
 
Ces mains sont faites pour aimer
La renaissance de Julia



Mardi 30 septembre 2014, Marie-Ève Ledoux, avec la collaboration de Joanie Duquette, Magalie Raymond, Karolane Messier. 


 
© Karolane Messier 

«Trouver une religion. Me mettre à la boxe. Lui faire éclater le nez.» C’est ainsi que débute le dernier roman de Pascale Wilhelmy, publié le 5 mai dernier. L’écrivaine reprend le personnage de Julia -qui apparaît également dans son premier livre intitulé Où vont les guêpes quand il fait froid?- tout en  traitant de thèmes sérieux tels que le deuil et l’amour.


  Intitulé Ces mains sont faites pour aimer, ce nouveau roman poursuit l’histoire de Julia après la mort de son mari. D’abord dépressive, la veuve ne cesse de penser à son passé malheureux, ce qui n’améliore pas son état. Toutefois, suite à un incident avec son amant, elle se décide à se prendre en main et c’est à ce moment que commence sa renaissance. De la boxe à la religion, de la peinture à la recherche d’une nouvelle maison, elle entreprendra toutes sortes de projets qui l’aideront à se débarrasser de ses malheurs et tourments.


Une œuvre judicieusement travaillée



  L’évolution psychologique de Julia au cours du récit est étonnamment claire. En commençant, elle est encore en deuil et ne prend pas tant plaisir à assister aux soupers d’amies, de famille, ou à sa relation avec son amant. Elle n’est pas heureuse et avec toutes ces pensées concernant ses mauvais souvenirs, on comprend vite que son passé la suit de près et la tourmente beaucoup. Par contre, dès qu’elle décide de se reprendre en main, Julia règle ses problèmes un à un et devient plus sereine, plus en paix avec elle-même. Cette femme réussit finalement par se remettre du suicide de son mari. Pouvoir comprendre cette évolution sans trop de mal est un des points forts de cet ouvrage. L’histoire tourne autour des états d’esprit de Julia, racontant son passage de la quasi-dépression à sa nouvelle vie; les détails concernant ce changement psychologique sont nécessaires et le clarifient davantage.

  Le choix d’un narrateur autodiégétique et donc d’une focalisation interne est également un grand avantage pour le récit. L’évolution psychologique est encore plus évidente, car cela permet une vision subjective des événements en passant par les yeux du personnage. On comprend mieux les sentiments, les motivations et les actes de Julia en ayant directement accès à ses pensées.

  Le style simple de Pascale Wilhelmy est approprié pour une histoire comme celle de Julia. L’auteure n’a pas inclus beaucoup de personnages, seulement l’essentiel. En ajouter aurait été inutile et n’aurait fait qu’embrouiller la compréhension du récit. Elle a également joué sur le rythme et la longueur des phrases, ce qui est très astucieux. Dans la première partie du roman, quand Julia n’est pas bien avec elle-même, on remarque une ponctuation abondante. Les phrases sont courtes et coupent sec. Elles ne donnent pas beaucoup de détails. Cependant, quand la veuve commence à se sentir mieux, soulagée d’un passé qu’elle peut enfin laisser derrière elle, les phrases s’allongent un peu, laissant place à une impression d’ambiance plus détendue, moins précipitée. La ponctuation se fait également plus discrète. Le rythme différant selon le temps du récit semble refléter les états d’âme de Julia, ce qui je trouve, est très bien pensé.

  Le paratexte aussi possède un style à la fois simple et signifiant. Les couleurs employées ne sont pas éclatantes ni agressantes. Elles sont douces tout comme Julia dont les mains sont faites pour aimer et non pour se battre. Sur la première de couverture, l’image d’arrière-plan semble être un plâtre, symbolisant la douleur, mais également une rémission. C’est un merveilleux travail que d’avoir pu créer un paratexte à l’allure si simple et à la signification si importante.

  Au début du roman, la mise en contexte m’a paru un peu trop longue. Les multiples descriptions des expériences sexuelles de Julia prennent beaucoup de place et je ne pense pas qu’elles soient toutes nécessaires. On aurait pu en remplacer quelques unes par des descriptions sur les relations de Julia avec sa famille, par exemple. Elle la mentionne sans donner davantage de détails : «Nous partageons bien peu, sinon les repas des fêtes et le même sang. Nous sommes unis. Et de parfaits étrangers.» Pourquoi les membres de la famille ne sont-ils pas proches? Il aurait été intéressant d’en savoir plus.

  La renaissance de Julia autant dans un deuxième récit que dans une vie heureuse s’annonce comme une belle histoire. Après Où vont les guêpes quand il fait froid?, le second roman de Pascale Wilhelmy est une confirmation que les mains de celle-ci sont faites pour écrire, autant que celles de son personnage sont faites pour aimer.



Ces mains sont faites pour aimer, Pascale Wilhelmy, Libre Expression, 2014, 165 pages.

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